« Engoncés dans notre confort, pétris de certitudes
Inquiets, à peine, attentifs de temps en temps
Avec, pour plus grande inquiétude
Une météo maussade, les frasques d’un Président…
Mais où étions nous donc quand d’autres plutôt rares
Défendaient nos valeurs et toutes nos libertés ?
Mais que faisions nous donc quand d’autres, usant leur art
Dénonçaient de leur plume les risques et les dangers ?
Et soudain le pays sortit de sa torpeur,
Réveillé en sursaut par les armes de guerre,
Il y a sept jours, on a compris avec stupeur
Qu’on meurt pour un dessin chez Hugo et Molière !
Les larmes ont coulé, les cris ont fusé, la traque s’est organisée !
Oubliées, nos différences, nos divergences, nos p’tits soucis !
D’un cri du cœur d’un anonyme, un slogan est né,
D’un coup, d’un seul, soudain, le monde s’appelait Charlie !
Puis vint le temps des incroyables hommages,
Par millions nous avons formé une grande ronde,
Sans distinction de race, de culture ou même d’âge,
Unis dans la douleur et le rêve d’un nouveau monde.
Même les plus puissants de tous les dirigeants,
Côtes à côtes, en silence, sans calcul j’espère ( ?)
Ont défilé, émus, plein de bons sentiments,
Promettant pour demain la résistance sur Terre !
Deux jours après encore, les adieux aux victimes
Furent tout à la fois dignes, solennels et touchants
A la mesure peut-être de l’horreur de ces crimes !
Mais l’unité déjà se fissure lentement,
Et ceux qui dans la rue se pancartaient Charlie
S’adressent aux politiques en disant « et maintenant ? »
Maintenant et demain, que deviennent nos vies ?
Ne pourraient-ils répondre, « et vous, que ferez vous ? »
Oui, nous, tous les Charlies, qu’allons nous faire demain ?
Reprendrons nous nos vies et oublierons nous tout ?
Fermerons nous les yeux, reniant le destin ?
Allez ! Soyons honnêtes, on lisait pas Charlie !
Tout au plus riait-on en consultant sa Une…
« ...Et les bombes, finalement, ça saute pas par ici,
…Et puis, il va neiger, il faut qu’on aille au ski…. »
Et bien sûr, il y a ceux qui murmurent déjà,
« D’accord, ça se fait pas, de tuer pour un dessin,
Mais bon, Charlie Hebdo, il a bien cherché ça…
Quelle idée cette provoc, ils sont fous ces romains… »
Fous ? La folie du sage dans ce cas !
Une conscience aiguë, ou bien le Fou du Roi
Celui qui pouvait dire tout ce qui n’allait pas
Sans craindre la potence, le gibet ou la croix !
Charlies de tous pays, mes amis, s’il vous plait
Ne tournons plus la tête, assumons nos défis !
Peignons, dessinons, pointons tous les excès,
Rap’llons aux politiques leurs promesses, s’ils oublient.
Rappelons leur chaque jour et en toute occasion
Qu’ils sont bien arrivés, un dimanche de janvier
A construire des passerelles entre leurs émotions,
Et que, même adversaires, maint’nant, ils doivent s’allier !
Ne nous rendormons pas, restons mobilisés,
Force de propositions, critiques, un brin rebelles,
Gardons les yeux ouverts, le crayon affûté,
Et de nos libertés, demeurons Sentinelles !!! »
« Colmar – 14 janvier 2015 »